Paroles de viticulteurs : le biocontrôle, un atout clé pour viser la certification HVE

Les viticulteurs sont très engagés dans la certification Haute valeur environnementale (HVE). Ils représentent 84 % des 636 fermes certifiées. Les raisons de cette dynamique ? Obtenir la preuve de leur engagement dans le respect de l’environnement avec des indicateurs portant notamment sur la biodiversité et la stratégie de protection de la vigne. Nous avons rencontré 4 viticulteurs qui témoignent des options prises dans le cadre de la HVE pour diminuer le nombre de traitements, notamment grâce au biocontrôle.

Cet article est extrait du magazine Le Sens de La vigne N° 17 - Octobre 2019 (version pdf consultable en ligne)

Philippe Roux, directeur technique au Château Dauzac : “Toujours précurseur pour protéger les vignes”

Philippe Roux, directeur technique au Château Dauzac (localisé dans l’appellation Margaux), ne cesse d’expérimenter pour mieux soigner les vignes. Parmi ses outils : le biocontrôle. Sur le domaine, les traitements chimiques sont une exception, lorsque tout a été tenté en préventif et que la santé de la vigne est menacée.

Ce virage été pris voici plus de 20 ans pour aboutir à une double reconnaissance officielle. Certifiée Haute valeur environnementale en 2016, l’exploitation est engagée dans le système de management environnemental depuis 2012. Elle détient la norme Iso 14 001. “Nous raisonnons comme pour nous les Hommes, schématise Philippe Roux. Notre objectif est d’avoir des vignes en bonne santé, en procédant graduellement, d’abord avec des solutions douces comme les tisanes ou des solutions nutritives composées d’algues qui stimulent les défenses naturelles.

Le biocontrôle est la piste suivie pour protéger en préventif, face aux risques maladies, en complément des biostimulants. Il expérimente le produit Sonata® contre l’oïdium. Contre le mildiou, Philippe Roux peut aussi utiliser du phosphonate de potassium et de l’huile d’écorces d’orange. Il estime que la protection avec du biocontrôle est à conserver mais il ne s’interdit pas d’autres traitements en dernier recours, si la maladie devient trop menaçante. “Je veux conserver ma liberté de choix des produits, résume-t-il. Nous optons pour le bon sens !” Cette stratégie de protection de la vigne consomme du temps de travail. Un coût qu’il relativise. “Nous sommes plus présents dans les parcelles. Le poste main-d’oeuvre ressort donc plus élevé qu’en conventionnel, mais nous économisons aussi en achat de produits. Nous connaissons mieux nos vignes, ce qui évite d’être rapidement dépassé.

Jacky Castan, Chef de culture au Château Peyrabon : “Nous prenons le meilleur de chaque système de production”

Localisé au coeur du Médoc, le château Peyrabon repère les techniques viticoles les plus pertinentes pour respecter l’environnement, avec notamment moins de traitements phytosanitaires conventionnels. La HVE répond à cet enjeu, le biocontrôle aussi.

“Ici, cela fait très longtemps que nous pensons d’abord à la santé de nos salariés et à l’environnement. Et ce, bien avant que ne soient diffusés les reportages à charge contre notre profession. Lesquels sèment le doute et la confusion dans l’esprit des consommateurs qui viennent visiter le domaine. Ils pensent qu’en bio, on ne traite pas !” Pour certifier les efforts consentis afin de limiter son impact, le château est certifié Iso 14 001 et HVE depuis 2013. Un moyen d’apporter la preuve de son engagement aux clients.

Un quart des parcelles sont conduites en bio. Pour autant, le label ne figure pas sur une partie des bouteilles, “pour ne pas s’enfermer dans un cadre, garder de la liberté d’action et prendre le meilleur de chaque système”, souligne Jacky Castan.

Le reste du domaine est géré avec un mixte de pratiques. Elles sont empruntées à la biodynamie pour la nutrition foliaire avec des engrais composés d’algues, au bio avec les produits de biocontrôle, le soufre et le cuivre, au conventionnel avec des produits sans ou à faible classement toxicologique. Ces derniers sont employés avec une réduction de la dose calculée à l’aide du système Optidose® ou sont associés à du biocontrôle sur les parcelles les plus à risques. Les observations sont régulières et le suivi des pressions maladies est réalisé grâce aux outils d’aide à la décision, dont Movida GrapeVision pour le mildiou et l’oïdium.

« Nous disposons d’une gamme réduite de solutions de protection, poursuit-il. Alors nous ajustons les pratiques en fonction de la pression tout en visant un moindre impact sur l’environnement. »

Jacky Castan
Chef de culture au Château Peyrabon (33)

Nicolas Ragot – Vigneron à Givry : “Le respect de l’environnement s’effectue à toutes les étapes du métier”

Pas simple d’être viticulteur sur des terroirs prisés par les néoruraux, les citadins, les randonneurs... toujours avides de questions. Pour Nicolas Ragot, vigneron à Givry, apporter avec la HVE la preuve de ses actions environnementales est un élément de réponse à leurs interrogations. Le biocontrôle s’insère dans cette stratégie de conduite de la vigne et de communication.

Il gère un domaine de neuf hectares et vend sa production en direct. Alors les questions des clients ou des promeneurs sur les pratiques viticoles lui sont familières. Et sont posées à la cave comme dans ses parcelles, avec plus ou moins de bienveillance. Pourtant, il n’a jamais autant participé aux évènements qui impliquent un passage sur ses terres : randonnées dans les vignes, marches pour des dons, courses sportives… Il regrette la méconnaissance du métier : “Les nouveaux venus dans la région s’installent pour la beauté du paysage viticole au point que le week-end, même en voiture utilitaire, je ne suis pas légitime sur les chemins pour accéder à mes parcelles. Ce n’est pas rare d’être interpellé pour une odeur qui dérange, même s’il s’agit d’un produit naturel comme les fientes de volaille.

Mais pas question de baisser les bras. Il compte bien renforcer sa communication et témoigner de son engagement dans l’environnement, puisqu’il est en attente de la certification Haute valeur environnementale et réfléchit déjà à celle de Terra Vitis. Il a installé un Phytobac, sécurisé l’aire de remplissage du pulvérisateur et posé des panneaux solaires. Le recyclage concerne tous les déchets et tout type d’emballages. “Ces actions de recyclage me prennent au moins une semaine par an, souligne-t-il. Je le fais par conviction.”

Pour les traitements, il souhaite aller encore plus loin, car il consacre une partie d’une de ses parcelles aux expérimentations. “Pour avancer, il faut des cobayes, sourit-il. Je réalise des essais sur les réductions de doses, notamment en cuivre, pour voir les décrochages d’efficacité. J’ai commencé avec Bayer les essais en biocontrôle sur un hectare, car ce sont les produits de demain, en bio comme en conventionnel. Le coût de la protection restera élevé, mais c’est à ce prix que nous pourrons répondre aux attentes sociétales.

Pierre LAUX - Vigneron coopérateur à Pomérols : Certification environnementale, l’atout sécurité pour l’export

La cave coopérative des Costières des Pomérols, dans l’Hérault, destine la moitié de sa production à l’exportation. Les clients ont renforcé leurs exigences sur les pratiques viticoles et veulent moins de résidus de pesticides dans les vins. Les adhérents se tournent vers la HVE, certification reconnue et valorisée par les importateurs.

À l’ère des réseaux sociaux, où les avis sur un vin sortent de l’intimité d’une dégustation pour toucher tous types de communautés sur toute la planète, les importateurs ne veulent pas prendre de risques. Le goût n’est pas leur seule préoccupation. L’assurance d’avoir moins de résidus de pesticides grâce à une réduction des traitements, compte tout autant, si ce n’est plus, dans la balance. Cette exigence répond au départ aux contraintes réglementaires de chaque pays sur la limite maximale de résidus mais pas seulement. Le sujet est sensible chez les consommateurs et porte plus globalement sur une attente de plus de respect de l’environnement.

La cave coopérative des Costières des Pomérols, dans l’Hérault, exporte la moitié de sa production vers les Etats-Unis, l’Angleterre et l’Europe du nord. Elle a dû rationaliser son outil de production dans les années 2000 pour satisfaire la demande. Elle est exemplaire sur sa partie vinification avec un plan d’investissement conséquent et les certifications ISO 9001 et HACCP à la clé. Mais le regard se porte désormais sur la viticulture.

Pierre Laux est vice-président de la coopérative et vigneron à Beauvignac. Il se remémore une discussion qu’il a eu, voici peu de temps, avec un de ses clients importateurs. Lequel l’a invité, sous forme de prérequis, à faire certifier la coopérative HVE. « Pour eux c’est le seul signe de reconnaissance, avec le bio, qui passe les frontières et a du sens, explique-t-il. Elle leur apporte une garantie sur nos pratiques avec un moindre recours aux produits phytosanitaires.»

Une démarche collective de certification Terra Vitis a été obtenue en 2018, afin de répondre à la demande des négociants français. Elle permet l'équivalence niveau 2 de la certification environnementale (HVE correspond au niveau 3) pour satisfaire les marchés à l’exportation. « Nos méthodes de travail sont déjà déployées dans cet esprit pour une grande majorité d’entre nous témoigne-t-il. Traiter s’effectue par obligation. Le biocontrôle est une piste pour diminuer l’IFT. Mais, nous ne voulons pas imposer la certification environnementale à nos viticulteurs, ils doivent sentir leur intérêt. »

Le créneau de la coopérative est le marché de masse. Les vins français ont une carte à jouer sur ce segment pour se démarquer en communiquant sur les progrès réalisés en matière de respect de l’environnement. Autre argument pour motiver les vignerons : la rémunération. « Nous obtenons 20 euros de plus par hectolitre », souligne-t-il. Un bon moyen de valider une démarche avant tout développée par conviction.