Barre d’effarouchement : comment préserver la faune sauvage des prairies lors de la fauche ?
Les prairies, favorables à la biodiversité, sont colonisées par de nombreux petits animaux, exposés au moment de la fauche. Pour préserver la faune et faciliter la fuite des lièvres, faisans et autres perdrix lors du chantier de récolte, il existe des outils, comme la barre d’effarouchement. En parallèle, il convient de respecter certaines pratiques. Illustration à Treffendel en Ille-et-Vilaine (35, Bretagne).
Une barre d’effarouchement pour faire fuir le gibier
Jean-Michel Massue, polyculteur éleveur et membre d’un GAEC en Ille-et-Vilaine, a mis en place cette technique. Première mesure, début 2019 : l’agriculteur s’est équipé d’une barre d’effarouchement. Ce dispositif s’installe à l’avant du tracteur, et consiste en une barre horizontale garnie de dents ou de chaines qui raclent le sol. Le bruit et la vibration ont pour but d’effrayer la faune, et de favoriser sa fuite. « Le principe est valable dans toute prairie, aussi bien dans les ray-grass, le trèfle, la luzerne, le méteil… », précise Stéphane Bonnissol, expert biodiversité chez Bayer. Pour être pleinement efficace, cette barre d’effarouchement doit être utilisée dans des conditions précises. À commencer par une allure limitée. « Pour certaines espèces, comme le lièvre et les levraux, c’est le contact avec les dents ou les chaines qui va provoquer la fuite, explique Stéphane Bonnissol. Il faut donc éviter le contact entre l’animal et la barre de coupe. Plus globalement, une vitesse réduite laisse davantage de temps au petit gibier. »
Bonnes pratiques agricoles à territorialiser
Utiliser cet équipement n’est pas chronophage, selon l’éleveur, qui s’en est servi sur quelque 100 hectares l’an passé : « Atteler la barre d’effarouchement demande quelques minutes. La fauche elle-même ne prend pas plus de temps. » L’éleveur ne regrette pas son investissement, environ 2500 €. L’idée serait toutefois de convaincre les agriculteurs alentours de suivre cette voie. « L’efficacité, sur un territoire, serait meilleure si tous les agriculteurs les adoptaient, notamment entre avril et juillet, à la période des reproductions », analyse Stéphane Bonnissol. Agrifaune, programme national piloté par 4 partenaires (OFB, FNC, APCA, FNSEA), travaille spécifiquement sur ces sujets et diffuse les conclusions de ses travaux pour préserver la faune sauvage.« L’ensemble de ces mesures permettent de préserver la faune et produire un fourrage de qualité. L’idée étant d’éviter la présence de cadavres d’animaux, limitant ainsi le risque de toxines botuliques* pour les animaux d’élevage », rappelle Stéphane Bonnissol.
* Le botulisme est une maladie paralytique rare mais grave, le plus souvent d'origine alimentaire, touchant les humains et les autres animaux. Elle est due à une neurotoxine bactérienne, la toxine botulique produite par plusieurs bactéries anaérobies du genre Clostridium, la plus connue étant Clostridium botulinum. La toxine botulique est la plus puissante de toutes les toxines connues dans la nature.
Un bon sujet d’échanges avec tous les acteurs du territoire
De son côté, Jean-Michel Massue a organisé une journée ouverte en 2019 pour sa première fauche « effaroucheuse ». Près de 80 personnes ont répondu présent : essentiellement des chasseurs et agriculteurs, mais aussi des riverains. L’occasion de sensibiliser les uns, et de communiquer auprès des autres : « Je fais ces efforts avant tout parce que je souhaite préserver la faune et en suis soucieux, mais si je peux l’expliquer à mes voisins, c’est mieux ! » Pour lui, la barre d’effarouchement et les bonnes pratiques de fauche font partie d’une démarche plus globale vis-à-vis de la protection de la biodiversité. Il participe à la plantation de haies bocagères dans le cadre de programmes de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, privilégie les techniques de travail simplifiées pour préserver la faune des sols, et a arrêté de faucher les bords de champs au printemps, pour ne le faire qu’une fois l’an, après la moisson.
« En tant qu’agriculteur, je sais que les prairies sont un plus pour préserver la biodiversité et servent de refuges aux petits animaux. Je suis attentif à ce que mes chantiers ne portent pas préjudice à la faune sauvage. »
Des bonnes pratiques toujours valables avec ou sans barre d’effarouchement
L’utilisation d’une barre d’effarouchement doit entrer dans le cadre de bonnes pratiques agricoles prenant en compte plus largement l’enjeu de la petite faune sauvage dans les prairies :
- Démarrer la fauche en plein jour, pour éviter de surprendre les animaux dans leur sommeil.
- Commencer par « détourer » la parcelle (voir schéma ci-dessous), à vitesse réduite. En effet, l’essentiel de la faune sauvage, est présente en bordure des parcelles.
- Le circuit doit ensuite passer par le cœur de la prairie, pour multiplier les possibilités de fuite pour les animaux qui y seraient encore présents. La poursuite de la fauche se fera par des allers-retours à partir du centre de la parcelle.
« Pour moi, l’acquisition de la barre d’effarouchement a été l’occasion d’une mise à jour de mes pratiques », reconnaît Jean-Michel Massue. « Ces mesures sont valables pour les prairies, mais aussi pour les récoltes des cultures (blé, maïs, colza ….)», rappelle de son côté Stéphane Bonnissol.