Mycotoxines, enjeux pour les filières et modification des seuils réglementaires

Pour la récolte 2024, les limites réglementaires en mycotoxines DON et T2-HT2 dans les lots de blé, orge et maïs se durcissent. Le point sur les enjeux sanitaires et technologiques, les seuils par catégories de mycotoxines ainsi que des conseils pour éviter tout dépassement.

Qu’est-ce qu’une mycotoxine ?

Les mycotoxines sont produites par des champignons microscopiques, présents sur les plantes au champ ou les grains stockés. Non seulement, elles altèrent la qualité des produits issus de grains contaminés mais elles peuvent être dangereuses pour la santé humaine.

Les mycotoxines sont des substances toxiques, sécrétées par de minuscules champignons du groupe Fusarium, qui peuvent être présents sur les grains de céréales et de maïs. Elles peuvent appartenir à trois familles distinctes : les trichotécènes (DON, T2, HT2), la zéaralénone et les fumonisines. Elles se développent sur les plantes, particulièrement en cas de période chaude et humide lors de la floraison ou lors du stockage des grains, avant leur transformation.

Les mycotoxines entraînent des pertes de rendement et altèrent la qualité physique des grains. Elles sont résistantes à la cuisson et même à la stérilisation. Elles peuvent donc se retrouver dans toute la chaine alimentaire. Or, non seulement, elles altèrent la qualité des aliments mais, surtout, elles peuvent être néfastes pour la santé.

Ces contaminants sont invisibles à l’œil nu et inodores. Seule une analyse en laboratoire décèle leur présence. De plus, la détection de la fusariose au champ ne signifie pas pour autant qu’il y a fabrication de mycotoxines. Et inversement ! Le champignon peut être invisible et les toxines présentes.

Des conséquences sur la transformation des grains

En meunerie, la présence de mycotoxines peut aller jusqu’à rendre la panification impossible. La couleur, l’aspect, la visco-élasticité sont altérés en présence de grains fusariés, allant jusqu’à rendre le pain impropre à la consommation. Les mycotoxines dégradent également la qualité des pâtes et semoules, issues de blé dur contaminé.

Les mycotoxines sont également problématiques pour la production de bière. Si des grains d’orge sont porteurs de fusariose, les mycotoxines seront transférées dans le malt, rendant la bière impropre à la consommation, par une surproduction de mousse à l’ouverture des bouteilles ou par une mauvaise fermentation.

Un danger pour la santé humaine

À certains taux, les mycotoxines peuvent être néfastes pour la santé humaine. Elles possèdent une toxicité aigüe variable, avec des effets à long terme comme l’induction de cancer, des modifications de l’ADN ou des effets néfastes sur le fœtus. Leurs impacts, à forte dose, sont très délétères sur différents organes vitaux (foie, reins, système nerveux ou immunitaire...).

Une réglementation renforcée pour protéger notre alimentation

Depuis 2006 (Règlement CE n°1881/2006), la teneur maximale (µg/kg) en mycotoxine est réglementée dans les aliments bruts et transformés. Cela concerne les mycotoxines produites au champ, soit le déoxynivalenol (DON) de la famille des trichotécènes et la zéaralénone (ZEA). Des limites maximales réglementaires s’appliquent aussi à celles secrétées pendant le stockage, telles que l’ochratoxine A (OTA).

Toutefois, la réglementation sur les taux de mycotoxines dans les céréales destinées à l'alimentation humaine évolue en 2024. Ainsi, le règlement (UE) 2024/1022 de la Commission du 8 avril 2024 modifie le règlement (UE) 2023/915 pour les teneurs maximales en déoxynivalénol des denrées alimentaires. Les valeurs sont abaissées. À titre d’exemple, le nouveau règlement fixe le seuil de mycotoxines DON en blé tendre et orge à 1000 µg/kg contre de 1250 µg/kg auparavant. De nouvelles valeurs concernent aussi les produits transformés. De plus, les limites recommandées pour les toxines T-2 et HT-2 deviennent réglementaires. (Règlement (UE) 2024/1038 de la Commission du 9 avril 2024. Il modifie le règlement(UE) 2023/915 en ce qui concerne les teneurs maximales en toxines T-2 et HT-2 des denrées alimentaires.)

Par conséquent, il est interdit de mettre sur le marché et d’utiliser des grains et des coproduits céréaliers pour l’alimentation si leurs teneurs sont supérieures à ces maximales. De même, il est interdit de mélanger des lots non-conformes avec des lots conformes. Également, toute décontamination chimique est proscrite. Seul est autorisé le triage, avant commercialisation, pour éliminer les grains abimés.

Limites maximales (µg/kg) des mycotoxines fixées par la réglementation (Règlement (UE) 2024/1022) dans les céréales destinées aux denrées alimentaires (alimentation humaine).

Comment protéger les cultures des mycotoxines ?

Comme on ne peut pas éliminer les mycotoxines sur les grains, il est nécessaire d’empêcher l’apparition de maladies fongiques sur les plantes. Avoir, au champ, les céréales les plus saines possibles, demande de combiner lutte agronomique et protection chimique. La lutte agronomique débute par le choix de variétés les moins sensibles à la fusariose. Après la récolte, il est recommandé de broyer les résidus (paille de blé, cannes de maïs) qui servent de réservoir aux champignons, voire labourer pour les enfouir. Au regard du niveau de risque, il faudra protéger les cultures avec des molécules fongicide, comme le tébuconazole ou le prothioconazole, en début de floraison.

Pour limiter les risques lors du stockage, le grain devra être rentré dans un silo propre et conservé avec une ventilation limitant la condensation, pour éviter que des moisissures n’affectent les lots de grains.