Désherbage : penser aux milieux aquatiques !

Le désherbage doit prendre en compte les enjeux liés à l’eau. Pour répondre aux attentes sociétales et à une réglementation toujours plus restrictive, l’adaptation des pratiques agronomiques et l’aménagement du parcellaire deviennent indispensables.

« Les produits phytosanitaires, et tout particulièrement les herbicides, font l’objet d’une focalisation de la part de la société », souligne Céline Ballesteros, ingénieure environnement Bayer. « La pression médiatique est forte et parallèlement, la réglementation se renforce en permanence ». Les milieux aquatiques sont particulièrement surveillés.

Évolution constante des exigences réglementaires

Tant au niveau européen, dans l’évaluation des molécules, qu’au niveau français, dans celle des produits, les exigences relatives aux herbicides se renforcent sans relâche. Une évolution due au progrès des connaissances et au contexte sociétal.

« La révision, en 2017, de l’arrêté du 12 septembre 2006 fixe une définition plus restrictive des points d’eau et renforce les délais de rentrée, quant à celle de 2019, elle ajoute la protection des zones d'habitations », donne pour exemple Céline Ballesteros.

A SAVOIR

Le suivi de la qualité de l’eau est accentué : les substances prioritaires à surveiller au niveau européen, qui étaient au nombre de 33 en 2008, sont passées à 44 en 2013. La redevance pour pollutions diffuses concerne de plus en plus de substances, avec des niveaux de taxes plus élevés.

Chaque renouvellement d’approbation de molécule, au niveau européen, restreint les conditions d’utilisation. « Et les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits contenant cette molécule doivent être révisées en conséquence », précise l’ingénieure environnement. « Ceci explique la constante évolution des conditions d’utilisation des spécialités, surtout lorsqu’elles contiennent plusieurs molécules. »

Les seuils réglementaires garantissent l’absence de risque

L’évaluation des risques pour les eaux de surface et les eaux souterraines est prise en compte dans le dossier d’homologation. 

Les nouveaux produits ont un profil amélioré pour répondre à toutes les exigences réglementaires. Les seuils réglementaires garantissent l’absence de risque, tant pour les organismes aquatiques que pour la santé humaine.

« La limite de qualité à ne pas dépasser dans les eaux destinées à la consommation humaine est de 0,1 µg/l par substance active, reprend l’experte. Si un dépassement est observé, l’Anses vérifie s’il y a un risque potentiel en étudiant la valeur sanitaire maximale (Vmax) de la molécule. Pour exemple, celle du flufenacet est de 15 µg/l. Son seuil de risque pour les organismes aquatiques est de 2,4 µg/l, alors que la valeur à ne pas dépasser est également de 0,1 µg/l dans les eaux souterraines. »

Faire évoluer les pratiques de désherbage

Les challenges du désherbage sont aujourd’hui nombreux : respecter les conditions d’utilisation de l’herbicide, garantir un niveau d’efficacité optimum, gérer les résistances et le risque de transfert vers la ressource en eau. « Une évolution des pratiques est nécessaire pour pouvoir continuer à désherber », affirme Céline Ballesteros.

Objectif d'une fascine : retenir l’eau sur la parcelle pour limiter les transferts d’herbicides par ruissellement, vers les points d’eau.

Important

Les premières mesures de gestion à mettre en place sont au champ. De nombreuses actions efficaces existent. Elles sont à instaurer tout au long du cycle de la culture, au niveau du bassin versant et de la parcelle, et doivent être adaptées au contexte territorial.

  • Mesures de gestion du sol : réduire l’intensité du travail du sol, aménager les passages de roues, préparer un lit de semences grossier, mettre en place des digues intra-parcellaires, décompacter la surface du sol ou le sol en profondeur, procéder au travail du sol suivant les courbes de niveau, augmenter le taux de matière organique du sol…
  • Pratiques culturales : couvrir le sol en interculture, installer des cultures intermédiaires, agrandir les tournières, semer sous couvert dans l’inter-rang ou sur toute la parcelle...
  • Aménagements parcellaires : implanter des zones tampons intra-parcellaires, créer des zones tampons dans le talweg, en bordure de parcelle, implanter des zones tampons rivulaires, aménager des aires d’accès aux parcelles, mettre en place des haies, créer et entretenir les terrains boisés…

« L’efficacité du dispositif végétalisé permanent de 20 m est discutable. Le ruissellement peut en effet provenir non pas du champ juxtaposé au point d’eau mais d’un champ voisin, via un chemin. Nous travaillons à améliorer les connaissances relatives aux risques de transfert des herbicides vers le milieu aquatique pour trouver les solutions les plus pertinentes. »

Céline Ballesteros
Ingénieure environnement

Les axes travaillés pour réduire l’impact des herbicides sur l’environnement portent autant sur les équipements limitant la dérive que sur les couverts végétaux, les semis motteux… Des aménagements de l’AMM sont également étudiés, comme le désherbage limité sur le rang, avec un travail mécanique de l’inter-rang.